Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi
Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi
Série A - numéro 1
La mort de Muammar Gaddhafi est l'aboutissement d'un processus dont une étape essentielle aura été, en 2007, l'extradition, vers la Bulgarie, des cinq infirmières originaires de ce même pays, et du médecin tout juste devenu lui-même bulgare, c'est-à-dire de six personnes initialement condamné(e)s à mort en Libye pour leur implication dans l'affaire des enfants libyens contaminés par le virus du sida.
Divers documents officiels de la république française permettent de prendre la mesure de ce qu'a été le comportement de différents responsables politiques de notre pays dans le processus qui devait aboutir à la destruction du régime libyen.
Depuis 1969, ce pays avait connu une transformation inouïe dans le sens de la démocratie directe. Il aura été le produit le plus élaboré d'une dynamique désormais complètement oubliée : celle du nationalisme arabe et de l'unité africaine.
Pour prendre la dimension de ce qui se trouve désormais définitivement englouti à la suite de la tragédie dont je vais m'efforcer de définir le cheminement, je renvoie à l'ouvrage :
"La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)" Françoise Petitdemange, Éditions Paroles Vives, 2014.
On en retrouvera une présentation détaillée ici : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr
La série d'articles qui commence ici (série A) prendra appui sur le rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 22 janvier 2008, et établi au nom de la Commission d'Enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens. Elle était présidée par Pierre Moscovici, son rapporteur étant Axel Poniatowski.
J'utilise la transcription fournie par le site de l'Assemblée nationale. Nous sommes donc dans de l'officiel. Au surplus, nous allons pouvoir mesurer ce qu'on pourrait appeler les "qualités intrinsèques" de quelques échantillons de la représentation nationale.
Si la mort de Muammar Gaddhafi est un crime, il doit y avoir quelques responsables... Le mieux étant qu'ils se dénoncent eux-mêmes.
Reprenant une pratique qui m'avait ouvert des perspectives plus qu'inattendues lorsque j'ai rédigé l'ouvrage "Une santé aux mains du grand capital ? - L'alerte du médiator", Editions Paroles Vives, 2011 (à retrouver ici : http://unesanteauxmainsdugrandcapital.hautetfort.com), je me suis soucié du décalage parfois consternant qu'on peut découvrir entre la transcription fournie par les services de l'Assemblée Nationale (ou du Sénat) et les vidéos qui sont parfois encore accessibles aujourd'hui. J'indiquerai, bien sûr, les abîmes qui s'ouvrent ainsi parfois devant une conscience citoyenne rien qu'un peu sourcilleuse.
Et maintenant, que les documents parlent !
Série A - numéro 2
Pour nous qui connaissons désormais le rôle qu'un président de la république, simplement piloté par un favori, a pu jouer dans le déclenchement subit d'une guerre qui allait conduire à l'anéantissement d'un pays tout juste placé de l'autre côté de la Méditerranée, il est assez troublant de devoir prendre connaissance de ce satisfecit que le président de la Commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières bulgares, le socialiste Pierre Moscovici, a cru pouvoir adresser à ses collègues dès les premières lignes de son Avant-propos au Rapport remis le 22 janvier 2008 à la présidence de l'Assemblée nationale :
"[...] la commission d'enquête parlementaire sur cette libération restera dans les mémoires comme une première institutionnelle réussie. Sa pertinence a parfois été mise en doute, à ses débuts : son ambition en effet n'était pas mince, puisqu'elle entendait lever un coin du voile, de manière tout à fait novatrice, sur le « domaine réservé » que constituent traditionnellement en France les affaires étrangères, qui continuent d'être entourées d'une forme de « grand secret » et d'être confisquées par quelques acteurs, dans le triangle Elysée – Quai d'Orsay – Matignon. Elle a, en permettant que l'exécutif puisse venir rendre compte de son action dans ce domaine devant le législatif, ouvert la voie à une nouvelle étape dans la maturité démocratique du pays. La commission d'enquête représente ainsi, par sa simple constitution, une avancée indéniable et une percée démocratique."
Ne s'est-il pas plutôt agi de promener, sans crier gare, cette émanation de la représentation du côté d'une impasse soigneusement organisée ? Il était pourtant assez clair qu'un élément clef avait échappé à Pierre Moscovi et à ses gentil(le)s collègues, et le président de la Commission ne paraît pas s'en étonner plus que cela :
"[...] écartée lors d'un vote formel par les groupes UMP et Nouveau Centre, à mes yeux sans vraie justification, l'audition de Madame Cécilia Sarkozy restera une pièce absente dans le puzzle, un chaînon manquant dans le déroulement des faits, denses et parfois chaotiques, qui ont mené à la libération des soignants bulgares."
Et pourtant, n'avait-elle pas réalisé un véritable petit miracle ? Si, justement. Notre ami Pierrot (de la lune ?) en convient :
"Tous les témoignages recueillis par la commission l'ont montré : Madame Sarkozy, « envoyée personnelle » du chef de l'Etat, a joué un rôle décisif dans la libération des soignants bulgares, décidée en tête-à-tête entre elle et le colonel Kadhafi, dont nul autre ne connaît le contenu."
Immaculée conception ? Nous verrons que le témoin Boris Boillon savait très bien de quoi il s'agissait. Malheureusement, Pierre - comme ses petits camarades ? - a décidément la mémoire courte... C'était pourtant dans la dernière séance d'audition des témoins : de celles que l'on n'oublie pas.
Voilà donc comment le président Moscovici anéantit en trois mots les trop beaux propos tenus au tout début de sa jolie introduction, et nous révèle que, du point de vue de l'approfondissement de la démocratie dont il serait l'un des artisans, il s'est rudement mis le doigt dans l'œil – et ses camarades avec lui. Mais cherchaient-ils(-elles) autre chose, à propos de la fée du logis et de son si charmant époux ?...
"Son audition aurait été, à mes yeux, plus qu'utile, indispensable. Elle a été interdite par une décision politique. Je le regrette et forme le vœu qu'à l'avenir, les commissions d'enquête qui succèderont à celle-ci ne rencontrent pas de tels obstacles : le Parlement doit pleinement jouer son rôle de contrôle, sans soumission, d'aucune sorte, à l'exécutif."
Ceci pour plaisanter...
Car, bien brave, Nicolas le ferait jusqu'au bout, et tout seul, le sale boulot..., et en s'essuyant les pieds sur ce paillasson qu'est, en France, la représentation nationale.
Série A - numéro 3
Dans une mise en scène signée Axel Poniatowski, président de la Commission des Affaires étrangères, rapporteur de la commission d'enquête...
Les premiers mots du Rapport déposé le 22 janvier 2008 à la présidence de l'Assemblée nationale sont en effet à couper le souffle. C'est Napoléon Bonaparte au pont d'Arcole, et encore le héros le plus récent n'occupait-il la fonction suprême que depuis treize mois. Or, indéniablement, il pète le feu, le Nicolas, comme aucun autre président avant lui. Il faudrait au moins retourner à l'Empire pour trouver, à propos d'un seul individu, pareille fête !
Le malheur n'avait pas fondu sur la veuve et l'orphelin, mais c'était tout comme. La première phrase d'Axel Poniatowski nous met aussitôt la larme à l'oeil, ce qui n'est pas rien en ce temps de brutes :
"La libération de cinq infirmières bulgares et d’un médecin palestinien naturalisé bulgare, au terme de huit années atroces de détention en Libye, a été célébrée avec reconnaissance et soulagement dans toute l’Europe."
Oui, l'Europe... et toute entière rassemblée autour de ses six martyrs !... Tandis qu'en face, sur l'autre rive de la Méditerranée : la Libye... La terrible Libye... Celle du monstre : Muammar Gaddhafi !... Nous en appelons à toi, Nicolas !...Surtout, n'en reste pas là ! N'en parle jamais, si tu veux, mais penses-y toujours !... Et puis, quand viendra ce moment – dont tu seras seul juge, oh, notre délicieux stratège - : le coup de poignard dans le dos, comme de juste, pour un tel monstre !
Ainsi que nous le dit, dès la seconde phrase le brave Axel : sur ce coup-là il n'y avait que la France :
"Les Français peuvent être légitimement fiers que leur pays y ait contribué de manière décisive. Si les négociations avec les autorités libyennes avaient été engagées grâce aux efforts patients des diplomaties française et européennes... [Mais surtout, et voilà qui est indéniable] ...c’est en effet l’engagement personnel du Président de la République qui a permis, le 24 juillet 2007, cet heureux dénouement, dont se sont réjouis unanimement les parlementaires."
Faudrait pas non plus oublier le... Qatar. Mais ici, nous avons la version "idéaliste" de monsieur Poniatowski. Bien sûr, il y en a d'autres, car c'est homme-là n'est pas fait d'un seul bois. Nous y reviendrons, puisque lui-même y reviendra.
Mais d'ailleurs, le naturel reprend déjà le dessus chez ce monsieur. Sautons une phrase de transition, et arrivons à celles-ci :
"Le lendemain de leur libération, le chef de l’Etat se trouvait en visite officielle à Tripoli et annonçait la conclusion d’une série de sept accords bilatéraux franco-libyens. Début août, les autorités libyennes faisaient état de la signature de deux contrats avec des industriels de l’armement français."
C'est que le monstre d'en face et son pays ont des sous, beaucoup de sous... à prendre... au bénéfice du commerce extérieur, ou de la castagne ?...
Je vous le demande en ce Noël de l'an 2014, où nous n'avons déjà plus très fière allure...
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)
Série A - numéro 4
C'était "Journées Portes Ouvertes" à l'Assemblée nationale
Le brave Axel (Poniatowski) n'en revient pas lui-même. On n'avait jamais vu ça :
"Cette commission d’enquête devrait faire date. Le Parlement a décidé, pour la première fois sous la Vème République, d’exercer ses pouvoirs d’information et de contrôle sur une intervention diplomatique majeure, traduisant ainsi l’un des engagements du Président de la République en matière de modernisation de nos institutions."
Pour celles et ceux qui connaissent un peu l'histoire de France récente, et qui ont bien compris dans quel crime la France a été engagée en Libye (pour quoi ? et par qui ?), il est bien certain que cette Commission d'enquête marque une date : les députés ne peuvent plus dire qu'ils ne savaient rien.
Qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition.
C'est d'ailleurs l'une des vertus de ce qui se trouve désormais enregistré à la fois dans les vidéos et dans les transcriptions de nous montrer de quoi une opposition peut être capable. En effet, a priori, la majorité UMP n'en voulait pas, de cette Commission-là. Axel nous le confie, tout en reconnaissant lui aussi qu'il pouvait y avoir un doute sur le dénouement de cette affaire des infirmières bulgares et de leur collègue médecin :
"N’y avait-il pas, dès lors, une face cachée à cette libération ? Deux propositions de résolution déposées, l’une par M. Alain Bocquet, l’autre par M. Jean-Marc Ayrault au nom du groupe SRC, demandaient la création d’une commission d’enquête à ce sujet. Ne pas répondre à cette demande n’aurait fait que conforter l’idée d’une réalité inavouable."
Alain Bocquet, c'est donc le parti communiste. SRC, ce sont les socialistes-républicains-citoyens. Si le premier est resté très discret tout au long des auditions de témoins pour, après-coup, se fendre enfin d'un texte où il montrait que ses camarades et lui-même n'en pensaient pas moins (et que pensaient-ils donc ?), les seconds ont fait un drôle de boulot tout au long des séances, et tout spécialement par la voix de l'un des leurs, monsieur Pierre Moscovici, président de la Commission d'enquête... qui n'a décidément rien épargné pour noircir le "monstre" libyen, comme s'il en voulait vraiment à sa peau...
Nous savons désormais ce qu'il en est. Et monsieur Moscovici est ensuite passé directement au service de l'Europe allemande à Bruxelles. Il nous l'a dit : la France n'a qu'à bien se tenir.
Reprenons le fil tel que nous le présente notre metteur en scène, Axel Poniatowski (UMP) :
"La commission a d’abord invité à venir s’exprimer les infirmières et le médecin, car les faits dont elle était saisie tiraient leur origine du drame que ceux-ci avaient vécu : leur bouleversant témoignage a permis, dès la première séance d’auditions, de mesurer l’immense souffrance qui fut la leur."
À l'"origine" – c'est ce qui est écrit -, "le drame que ceux-ci ont vécu", "leur bouleversant témoignage", "l'immense souffrance qui fut la leur"... Nous frémissons, nous aussi. Et nous y croyons déjà dur comme fer. Même si nous ne savons encore rien – justement - de l'origine effective de leur si grand malheur. Cependant, tout en bas de la troisième page de transcription du rapport (je précise qu'il s'agit, dans la copie que j'en ai établi, de pages A4, remplies en lettres de corps 12, sur des lignes aussi larges que possible et sans guère d'espace entre les différents paragraphes) un indice apparaît :
"Ont également été auditionnés des industriels français du secteur de la défense, ainsi que deux éminents professeurs de médecine spécialistes du sida."
Nos six martyrs auraient donc souffert - indirectement ou directement - d'une affaire concernant le sida... C'est évidemment très inquiétant. En échange de quoi, le secteur de la défense aurait pu faire ses petites affaires. Voilà qui sent le souffre. Nos députés ont bien fait de venir se renseigner...
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)
Série A - numéro 5
Un bon tiers d'activistes...
Sida et industriels français de la défense... Nous en sommes là du rapport présenté en janvier 2008 par Axel Poniatowski. Et soudain son texte prend un goût de déjà avalé...
Au-delà du contentement extrême que manifestait son avant-propos, Pierre Moscovici avait dû nous faire un terrible aveu qu'il faut reprendre ici pour donner du sel à ce qu'Axel Poniatowski va devoir un peu pitoyablement nous annoncer :
"[...] l'audition de Madame Cécilia Sarkozy restera une pièce absente dans le puzzle, un chaînon manquant dans le déroulement des faits, denses et parfois chaotiques, qui ont mené à la libération des soignants bulgares."
Décidément cette belle tragédie, dont il nous a annoncé à grands coups de clairon qu'elle était un chef-d'oeuvre bien de chez nous, risque de nous faire un effet un peu riquiqui.
Car voici le fait. Si Axel Poniatowski, le metteur en scène, est très bon, certains des acteurs ont dû prendre délibérément un mauvais métro puisque, s'il faut en croire le distingué rapporteur :
"Les responsables politiques bulgares et libyens, le représentant du Qatar, ainsi que certaines personnalités – M. Tony Blair, ancien Premier ministre du Royaume-Uni, et M. Frank-Walter Steinmeier, ministre des affaires étrangères d’Allemagne, par exemple – qui ont eu l’occasion de jouer un rôle particulier au cours des huit années de détention des otages, n’ont pas souhaité répondre aux invitations à s’exprimer qui leur ont été adressées."
Et notamment, donc, le petit Qatar... C'est ce défaut-là qui nous chagrine le plus, il faut bien l'avouer. Mais les Archives de la XIIIème Législature (20 juin 2007 – 19 juin 2012) nous aident à retrouver assez rapidement toutes nos dents. Par la liste qu'elles fournissent, elles nous rappellent qu'il y avait quatre des intervenants – de ceux qu'on peut voir et entendre sur les vidéos de la Commission d'enquête de l'Assemblé nationale – qui appartenaient à ce moment-là au groupe d'amitié France-Qatar : MM. Loïc Bouvard (secrétaire), Jean-François Lamour, François Loncle et Lionnel Luca. Disons tout de suite que, s'il s'agit de mordre le Kadhafi, c'est sans doute l'avant-dernier qui s'y prête le mieux. Au surplus, il est socialiste, lui ; les autres étant UMP. N'omettons pas non plus de dire qu'il y a encore deux autres membres – restés muets ceux-ci – de la Commission d'enquête qui appartenaient au groupe d'amitié France-Qatar : Éric Raoult et Michel Voisin.
Quant à Alain Bocquet (communiste), ce n'est qu'au temps de la Législature suivante (commencée en juin 2012) qu'il a rejoint, à la vice-présidence de France-Qatar (où l'avionneur était déjà précédemment) : Olivier Dassault... dont l'entreprise à des intérêts au Qatar depuis fort longtemps.
Mieux vaut, en effet, tard que jamais. Or, Alain Bocquet n'est pas le seul membre de la Commission d'enquête de la fin 2007 et du début de 2008 à avoir rejoint les "amis" de l'État du Qatar dès la Législature suivante. Il faut lui ajouter Marie-Louise Fort (vice-présidente de la... Commission d'enquête), François Rochebloine, Dino Cinieri et Daniel Goldberg.
Chacune et chacun étant ainsi en quelque sorte rendu(e) à sa vraie place, revenons au rapport d'Axel Poniatowski :
"La Constitution ne permettant pas, en application du principe de la séparation des pouvoirs, de convoquer le Président de la République, la question s’est posée de savoir s’il fallait entendre Mme Cécilia Sarkozy."
Très bravement, le rapporteur s'en remet aussitôt à la succulente histoire de "l'homme qui a vu l'homme, qui a vu..." nous savons quoi. C'est ce qui s'appelle "se foutre du monde". Mais c'est très élégamment fait. Voici en quels termes :
"Pour autant, la majorité des commissaires a estimé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à l’audition de l’épouse du chef de l’Etat. Mme Cécilia Sarkozy a en effet rendu compte de ses discussions au secrétaire général de la présidence de la République, M. Claude Guéant, très longuement entendu par la commission d’enquête, ainsi qu’au conseiller technique du Président de la République, spécialiste de la région, M. Boris Boillon, qui l’accompagnait, et que la commission a également auditionné avec un grand profit."
D'où il convient d'inférer ceci :
"Pourquoi réentendre ce qui avait déjà été dit par ses proches, si ce n’est pour donner le sentiment de vouloir satisfaire une curiosité médiatique ?"
Bonne idée ! Qui aurait pu être étendue aux onze amis ou futurs amis de l'émirat présents dans cette Commission de trente membres : quel rôle a donc tenu le Qatar dans cette affaire de libération des infirmières et du médecin ? Et maintenant que Muammar Gaddhafi n'est plus de ce monde grâce, en particulier, au Qatar, quel rôle ces onze-là estiment-ils avoir joué, chacun avec son talent propre, dans l'assassinat programmé de longue date de cet homme et de son peuple ?...
Série A - numéro 6
Cela ne nous regarde pas...
Axel Poniatowski, rapporteur (UMP) de la Commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye, achève son propos introductif sur cette très longue phrase :
"Il ressort du travail mené par la commission d’enquête que l’analyse de cette affaire ne pouvait résulter que d’une compréhension claire de l’interaction entre différents facteurs : d’une part, les événements qui ponctuent l’histoire extérieure de la Libye depuis une vingtaine d’années et qui l’ont menée du statut « d’État voyou » à celui « d’État responsable » chargé depuis le 1er janvier 2008 de la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies, d’autre part, les interventions et les objectifs des principaux acteurs de politique étrangère que furent, sur ce dossier, l’Union européenne, certains pays européens et la France, et enfin, les considérations de la politique intérieure libyenne."
J'en souligne les éléments les plus significatifs.
Comme chacun sait, le Conseil de sécurité de l'ONU rassemble 15 pays, dont les 5 membres permanents (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) auxquels s'ajoutent 10 membres élus pour deux ans par l'Assemblée générale.
La Libye de Muammar Gaddhafi a, par deux fois, obtenu d'être élue membre du Conseil de sécurité : d'abord pour la période 1976-1977, puis pour 2008-2007, c'est-à-dire à la fois avant d'être réputée "État voyou" et après l'avoir été. Redisons qu'avant comme après, il s'agissait du résultat d'un vote de l'Assemblée générale. Comme le prévoient les statuts de l'ONU, cette promotion, remarquable pour un tel pays, lui avait permis d'accéder à la présidence tournante du Conseil de sécurité, puisque celle-ci est tenue, à tour de rôle et pendant un mois, par chacun des 15 pays alors membres de ce Conseil.
"État voyou" ?... Sur quels critères ?... Les U.S.A., coupables de tant d'attaques armées contre toutes sortes de pays ont-ils jamais été qualifiés par l'ONU d'"État voyou" ?
Nous ne doutons pas un instant de la longanimité du rapporteur en présence d'un cas aussi intéressant que cette Libye des lendemains de la révolution de 1969... un pays arraché, par ses propres moyens, à la colonisation occidentale.
Mais le premier sous-titre nous étonne tout d'abord :
"1 – Une détresse humaine, une injustice intolérable."
Se pourrait-il vraiment que Muammar Gaddhafi et son petit pays aient pu être, un jour quelconque, en proie à une véritable détresse humaine résultant d'une injustice intolérable infligée par les anciennes puissances coloniales : l'Italie, la France, la Grande-Bretagne, mais surtout les gentils États-Unis ?...
Ah que nenni !
Voici enfin la meilleure tirade de notre Axel-Rodrigue :
"« Pendant trois ans, je mourais toutes les heures à cause d’une accusation injuste. » C’est par ces mots terribles que le docteur Ashraf Al Hajuj a décrit ce qu’il a enduré lorsqu’il s’est trouvé, de 2004 à 2007, sous le coup d’une condamnation à mort abusive, accusé d’avoir sciemment inoculé le virus du sida à des enfants libyens soignés à l’hôpital de Benghazi."
Et voilà qui nous met sur les fesses ! Qu'est-ce que c'est que cette affaire d'enfants libyens ?... Première nouvelle, vraiment nouvelle, depuis le début de ce rapport : nous abordons la cinquième page A4, et c'est seulement maintenant qu'on nous le dit.
Oh, certes, de ces enfants nous nous en fichons comme c'est pas possible. Regardez donc ce pauvre médecin qui souffre, lui... Satané Kadhafi !...
Mais effectivement, cette mise en scène nous va décidément à ravir !... L'enchaînement est d'une clarté incontestable : nous connaissons la principale victime, et nous tenons déjà le coupable.
Série A - numéro 7
Le sida... ou le délabrement du système de santé libyen (français) ?
Axel Poniatowski – et sans doute avec lui la quasi-totalité des trente membres de la Commission d'enquête – n'a jamais eu le moindre doute. Il nous l'annonce immédiatement :
"Le témoignage de ce médecin d’origine palestinienne et ceux tout aussi douloureux des infirmières bulgares venues travailler en Libye ont jeté la lumière sur un double drame : la détresse des familles libyennes dont les enfants ont été victimes du délabrement du système de santé et l’injustice faite aux soignants étrangers devenus les boucs émissaires de cette crise sanitaire qui a rapidement pris une dimension politique."
Comme on le voit, le rapporteur met aussitôt le sida dans sa poche. Donc, délabrement du système de santé (s'en prendre au guide Kadhafi) et injustice plus boucs émissaires (s'en prendre au dictateur Kadhafi). Faut-il vraiment entrer dans les détails ? Oui, mais ne perdons pas de vue que nous allons mettre les pieds à la fois dans une dictature, et dans un foutoir pas possible...
Un peu d'histoire - version Poniatowski - pour commencer :
"En 1998, une épidémie de sida apparaît en Libye, dans l’hôpital El-Fateh de Benghazi. Elle touche des enfants contaminés lors de leur hospitalisation. Des transmissions nosocomiales, c’est-à-dire à l’occasion de soins médicaux, ont été décrites pratiquement depuis l’émergence du virus au début des années quatre-vingt. De graves épidémies de sida d’origine nosocomiale avaient été recensées en 1992, à Elista, dans la fédération de Russie, où 300 enfants ont été contaminés et, en 1996, dans les orphelinats roumains, avec plusieurs milliers d’enfants infectés, à cause d’une mauvaise hygiène des soins et de mini-transfusions de sang d’enfant à enfant."
La contagion aura donc été une affaire strictement interne à la vie de l'hôpital de Benghazi. Elle n'a pu résulter que d'une mauvaise hygiène des soins, puisque nous sommes en Libye...
Il y a bien encore une autre hypothèse à relever dans ce que nous en dit le rapporteur Poniatowski qui évoque "de mini-transfusions de sang d'enfant à enfant". Ce que des enfants seuls ne seront pas en mesure de réaliser... Doit bien y avoir des adultes dans le coup. Mais coupables, bien sûr, de ne pas respecter les mesures minimales d'hygiène. C'est ce que nous savons de toute éternité de cet "Etat-voyou" tout juste sorti de ses turpitudes : la Libye de Kadhafi.
Phénomène qui se retrouve, comme par hasard, en Russie et dans les orphelinats roumains, de tradition bolchevique, sans doute. Décidément, tout concorde, puisque la Libye elle-même n'a pas hésité à avoir, pendant si longtemps, des contacts avec ces sauvages-là.
Or, de même qu'il y a eu les terribles procès de Moscou (1936-1938), ignobles – comme chacun sait -, la Libye se signale à son tour sur ce terrain. Ce qui la rend plus "État-voyou" que jamais. Notre Axel ne manque pas la cible :
"Le cas de la Libye est néanmoins exceptionnel, non seulement en raison de l’ampleur de l’épidémie dans un même établissement, mais surtout de l’organisation d’un procès intenté à des personnels soignants accusés d’avoir volontairement inoculé le VIH. Il existait pourtant des hypothèses bien plus plausibles qu’une origine criminelle pour expliquer ce drame, ce que confirmera la suite des événements."
Oui, en effet, nous allons bien voir ce que nous allons voir avec le professeur Montagnier qui n'est tout de même pas le dernier des imbéciles... Peut-être.
Mais, de toute façon, en nos éminentes qualités de Françaises et de Français, nous savons bien que nos spécialistes des transfusions de sang ont toujours respecté les mesures d'hygiène, et même la qualité du sang qu'ils transfusaient auprès des hémophiles... Ceux-ci n'ont décidément pas été loupés. Ce qui ne fait pas pour autant, de nos responsables politiques "responsables, mais pas coupables", des "voyous"... Oh que non.
Série A - numéro 8
Des enfants infectés comme s'il en pleuvait !
C'est au moment où nous abordons la fin de la cinquième page A4 du rapport de la Commission d'enquête que nous arrive enfin l'information principale qui relègue bien loin derrière elle les prétendues souffrances des infirmières bulgares et du médecin d'abord palestinien.
Voici ce qu'écrit Axel Poniatowski :
"L’épidémie est découverte au cours de l’année 1998, lorsque plusieurs cas d’infection par le VIH sont diagnostiqués chez des enfants qui avaient été admis à l’hôpital pédiatrique El-Fateh de la ville de Benghazi, en Cyrénaïque au Nord-Est de la Libye. L’infection par le VIH y a rapidement pris une ampleur inquiétante avec, dans un premier temps, près de 350 cas recensés."
350 cas recensés... dans un premier temps. Une bagatelle, bien sûr.
Qui ne peut s'expliquer que par le délabrement de l'établissement, et par des mesures d'hygiène insuffisantes. Tout cela, c'est du russe, du roumain, du libyen, etc...
Redisons-le : dans un seul hôpital. Nulle part ailleurs en Libye. Avec une accélération telle qu'en quelques semaines... Très sale, très sale, l'hôpital... Acharné sans doute, l'honnête personnel, à se refiler, sans le savoir, des seringues contaminées toutes seules par le virus du sida...
Voici d'ailleurs le témoignage du vrai héros au beau milieu de cette Libye barbare, de cet homme dont le drame renvoie très loin dans l'insignifiance les centaines d'enfants dont quelques dizaines sont déjà morts depuis bien longtemps quand lui se lamente à n'en plus finir :
« Pendant trois ans, je mourais toutes les heures à cause d’une accusation injuste ».
C'est le brave Axel qui s'en fait le dévoué porte-parole :
"Au cours de son audition par la commission d’enquête, le docteur palestinien Ashraf Al Hajuj, en stage alors à l’hôpital El-Fateh, a raconté comment il avait pris conscience de l’épidémie au cours de l’été 1998 : « Le premier cas de contamination par le virus du sida a concerné un enfant de sept mois qui avait subi une intervention chirurgicale sur ses reins en Égypte. Je me souviens que c’était le premier enfant dont le lit portait la mention « Infecté par le virus du sida ». « Il avait été admis à la fin du mois de juin […]. Fin août 1998, des rumeurs ont commencé à courir dans les rangs des médecins sur l’existence d’un certain nombre de cas d’infections par le virus, mais personne ne savait dans quelle chambre, dans quel lit ou même dans quel service on pouvait trouver ces cas. »"
Étrange, hein ? Décidément le bazar, dans cet hôpital... Même une chatte n'y retrouverait pas ses petits, sida ou pas. En tout cas, le docteur Ashraf Al Hajuj n'a manifestement pas perdu le nord. Il peut vous le dire, lui : le premier cas concernait un enfant qui avait été opéré en Egypte. Or, nous n'allons pas tarder à apprendre que lui-même est également originaire de ce pays-là, et que...
Ce qui se recoupera avec ce qu'Axel nous débite maintenant (nous en reparlerons en temps voulu) :
"En effet, en août 1998, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) procure aux autorités de santé libyennes des kits de test ELISA afin de procéder à un dépistage général parmi les enfants ayant fréquenté l’hôpital El-Fateh pendant l’année écoulée. Cette campagne de dépistage montre que 393 enfants sont contaminés par le VIH."
À l'hôpital de Benghazi, le carpharnaüm était sans doute un vrai chef d'œuvre puisque le rapporteur doit en convenir à propos de ces pauvres enfants :
"Chez la plupart d’entre eux, hospitalisés pour d’autres affections ou des interventions chirurgicales, cette infection nosocomiale s’est accompagnée de co-infections par les virus des hépatites B et C. Les jeunes victimes étaient alors âgées de quelques mois à douze ans."
En tout cas, voici un rapport qui est très bien fait. Gare aux surprises !
Série A - numéro 9
Il y avait pourtant un cadavre dans le placard !
Laissant très momentanément de côté le martyr subi, selon Axel Poniatowski et l'ensemble de la Commission d'enquête, par le médecin palestinien et les infirmières bulgares, le rapporteur va s'arrêter sur cet événement inouï, stupéfiant, de ce drame vécu, à partir d'un seul hôpital, par quelques centaines d'enfants et leurs familles.
Nous allons voir que ce bref détour n'est absolument pas gratuit.
Suivons notre très habile metteur en scène...
"Les médecins libyens s’inquiètent de la situation et deux pédiatres se rendent à Paris en décembre 1998 pour y rencontrer le professeur Luc Montagnier à l’Institut Pasteur. Celui-ci, lors de son audition, a témoigné de « l’affolement » des deux praticiens et indiqué que le ministère français de la santé avait été informé que des enfants soignés à l’hôpital de Benghazi avaient été envoyés, accompagnés de leurs parents, dans des hôpitaux français pour vérifier leur séropositivité."
Il s'agit donc d'une projection de l'Afrique du Nord vers l'Occident, foyer de la science, et tout spécialement connaisseur du sida, avec, au top, la France et le fameux professeur Montagnier de réputation mondiale... L'affolement ne paraît pas être partagé également des deux côtés de la Méditerranée... Et pourquoi donc s'affoler ? Il n'y a certes pas le feu au lac !
Mais tout de même, poursuit Axel Poniatowski :
"Durant les six premiers mois – d’août 1998 à février 1999 – il s’agit donc d’une catastrophe sanitaire, dont les médecins libyens mesurent pleinement la gravité au point qu’ils se rendent en France pour rencontrer le professeur Montagnier, co-découvreur du virus, afin de bénéficier de ses conseils et d’une compétence internationalement reconnue."
Nous allons voir cela... Mais, selon le rapporteur, tout est déjà parfaitement clair :
"Les autorités libyennes, quant à elles, accordent aux familles des victimes des soutiens financiers pour que ces enfants malades puissent aller dans des hôpitaux en Europe afin d’y être convenablement soignés, reconnaissant de ce fait la qualité de ces hôpitaux et indirectement le mauvais état sanitaire de l’établissement de Benghazi."
Nous revoici retombés à pieds joints dans cette malheureuse question du capharnaüm libyen...
Ouvrons alors très vite l'ouvrage de Françoise Petitdemange, "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)" au titre "Le sang contaminé, en France. De la camelote à bazarder à l'étranger. Le temps des procès (1981-1999)" (page 361).
Dès la page suivante, nous lisons ceci :
"Trois mois après l'interdiction de leur vente en France, l'Institut Mérieux et le CNTS [Centre National de Transfusion Sanguine] écouleraient des milliers de poches de sang contaminé, non chauffé, vers des pays étrangers, jusqu'en février 1986, notamment en Irak, mais pas qu'en Irak..."
Allons-donc... C'était déjà pas mal, l'Irak... quand on connaît la suite de l'histoire de ce pays... Mais il y en a quelques autres, dont la liste apparaît, et dans un contexte qui ne manque évidemment pas de sel, à la page 400 et suivantes de l'ouvrage de Françoise Petitdemange.
Or, de cela, bien sûr, et du reste, il ne sera jamais question ni dans le rapport d'Axel Poniatowski ni dans les auditions des témoins... sauf, peut-être lors de la venue de Bernard Kouchner qui en sait évidemment bien plus qu'il ne s'aventurera à en dire...
Sans que cela ait le moindre rapport, ni de près ni même de très loin (du point de vue de la stratosphère), avec ce qui précède, arrivons-en au fait, qui est que, ainsi que l'énonce Axel Poniatowski :
"Le bilan dressé en 2007 sera catastrophique avec 460 victimes recensées, dont 438 enfants et une vingtaine de mères contaminés par le VIH ; parmi ces enfants, 56 ont perdu la vie."
Pas de quoi fouetter un chat.
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi :
Série A - numéro 10
Faites comme je dis, mais ne faites pas comme je fais
Selon ce que Françoise Petitdemange nous apprend dans "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)", la France a continué à vendre jusqu'au début de février 1986, en Irak et ailleurs, des poches de sang contaminé par le sida.
Ailleurs ?... En Libye, par exemple.
Avant d'aller plus loin, rappelons le bilan que dresse, pour la France, l'auteuse précédemment citée à la page 361 de son ouvrage :
"Entre 1981 et 1985, 280 personnes étaient décédées et plus de 1.500 sur 2.500 hémophiles – plus d'un(e) sur deux – étaient touché(e)s par le virus, sans compter les personnes transfusées dans les hôpitaux."
Mais le rapport de la Commission d'enquête, tel que nous le délivre Axel Poniatowski, ne nous souffle mot de ce passé plus que glorieux. Il préfère essorer la Libye avec tout le soin possible. Voilà ce que cela donne :
"Comme l’a souligné le représentant de l’Union européenne auprès de Tripoli, M. Marc Pierini, la réponse des autorités libyennes à cette tragédie médicale a été, dans un premier temps, exclusivement financière."
C'est-à-dire ?... Sans tendresse d'aucune sorte ?... Sans souci d'une éventuelle thérapie ?... Allez, voilà ton fric, et tu te barres ! (Ce qui se comprend parfaitement... dans une dictature arabo-musulmane...). C'est que nous sommes très délicat(e)s, nous.
D'ailleurs Axel est bien décidé à enfoncer le clou (non, mais !) :
"Les familles des victimes recevaient de l’argent pour envoyer les enfants contaminés en Europe pour y être soignés."
C'est donc bien ça : Ici, on est des incapables... Pour votre confort comme pour le nôtre, vous feriez mieux d'aller vous faire voir ailleurs !... Voilà vos sous.
Mais des sous, il y en avait tellement, s'exclame le pauvre Alex, que c'en était tout bonnement écoeurant :
"Cette stratégie a entraîné des surenchères. Les enfants ont été l’objet de ségrégations sociales et les autorités ont alors financé des maisons pour éloigner ces victimes des lieux de vie collectifs. On empêchait ces enfants d’aller à l’école ou même de jouer dans la cour des immeubles. Les autorités libyennes ont aussi versé de quoi acheter des voitures à cause de l’éloignement. Ainsi M. Pierini a-t-il estimé entre 50 et 60 millions de dollars les sommes dépensées par les autorités pour apaiser la colère des familles."
Rien que la colère... et pas les souffrances !... C'est assez logique dans un régime pareillement dictatorial. Mais voilà que cela devient criminel :
"Cette attitude peu responsable a eu des effets très négatifs sur la santé des enfants eux-mêmes si l’on en juge par les propos de M. Pierini : « Ce qui me tracassait… c’est que cette abondance d’argent… pouvait revêtir un aspect collatéral très dommageable, en ce sens qu’elle risquait de dispenser les familles de l’obligation de présenter les enfants à la consultation mensuelle. D’ailleurs, le taux de fréquentation est tombé à 20 ou 30 %, ce qui est un désastre… »."
On aurait voulu tuer tous ces malheureux gosses qu'on ne s'y serait pas pris autrement...
Car, il était sans doute urgent de permettre à la maladie elle-même de se développer au triple galop. La preuve ? Le bon Poniatowski nous la livre en prime :
"Aucun effort financier n’était consenti en revanche pour remédier à la cause première de l’épidémie, à savoir la mauvaise qualité du système sanitaire et des conditions d’hygiène de l’hôpital El-Fateh."
Puisque le sida est né de cela et rien que de cela... C'est la science occidentale qui vous le dit. Et la française s'y connaît tout particulièrement : elle les a déjà eus, elle, ses morts du sida par centaines et par suite de traitements tout ce qu'il y a de plus médicalisés.
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi :
Série A - numéro 11
Des affirmations qui ne valent que par leur répétition, et des oublis gros comme des cathédrales
Résumons-nous. Selon le rapport établi par Axel Poniatowski après que les trente membres de la Commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye, se fussent abreuvés à l'audition de vingt-six témoins privilégiés du drame des enfants libyens, l'épidémie qui a éclaté à l'hôpital El-Fateh de Benghazi était manifestement due aux mauvaises conditions d'hygiène... Un point, c'est tout.
Ensuite, l'argent a coulé à flots sur les enfants comme sur leurs familles, sans qu'aucun remède ne soit apporté à la situation sanitaire..., et avec ce seul résultat de désorganiser le système de suivi des petits malades, tout en opérant une ségrégation ignoble à l'encontre d'eux, sous le prétexte qu'ils avaient été contaminés par une maladie plus ou moins honteuse, et sans doute éminemment contagieuse... selon des modalités encore à définir.
Arrivé ici, le cher Poniatowski, qui n'a rien dit du passé occidental en matière de contamination médicalisée par le sida, prend le parti de faire injure au passé... de la Libye, tandis que l'Europe reçoit un nouveau coup de brosse à relire :
"Au cours des vingt dernières années, le système de santé libyen s’est profondément dégradé pour atteindre un état préoccupant, souffrant en particulier d’une pénurie de matériel médical. Les programmes européens pour l’hôpital de Benghazi engagés sous la forme de plans successifs, qui seront détaillés dans la suite de ce rapport, auront pour but d’aider à une remise à niveau des normes sanitaires et d’introduire de bonnes pratiques d’hygiène dans cet établissement. Mais à la fin des années quatre-vingt-dix, la situation est déplorable."
Ici encore, pourquoi prendrait-il la peine, alors que nous sommes en 2007, de nous dire de quoi ont été faites, pour la Libye, les vingt dernières années ?...
Ouvrons "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)" de Françoise Petitdemange au début du chapitre (page 203) : "
Tentative des États-Unis d'imposer leur diktat contre la Libye aux États européens : échec, quoique... janvier 1986."
Voici ce que nous y lisons :
"Le 7 janvier 1986, les États-Unis décident de rompre les relations économiques avec la Libye et le président, Ronald Reagan, demande aux États européens de le suivre sur cette voie. Mais le 27, les pays européens, qui sont réunis à Bruxelles, refusent de se soumettre au diktat états-unien et de s'associer à cette politique destinée à isoler la Libye."
Glissons maintenant jusqu'à ce titre de la page 209 :
"« Opération El Dorado Canyon » : bombardements de Benghazi, de Tripoli et de la caserne de Bal Al Azizia, nuit du 14 au 15 avril 1986."
Les morts, les blessés, les destructions de biens en tout genre... N'en parlons pas. Ni du boycott européen, ni de l'embargo onusien qui s'étendra de 1992 à 2003...
Pour sa part, après avoir terminé la phrase qui se conclut sur la formule : "la situation est déplorable", Axel Poniatowski ouvre immédiatement une nouvelle section :
"B/ Des négligences coupables en matière d’hygiène et de soins à l’origine de l’infection."
"À l'origine de l'infection", et non plus seulement comme condition de sa propagation... Comme on le voit, la science occidentale avance à grands pas. Sans vouloir trop contrarier notre excellent metteur en scène, rappelons les propos tenus par le médecin palestinien, et soigneusement rapportés par le sieur Ponia :
« Le premier cas de contamination par le virus du sida a concerné un enfant de sept mois qui avait subi une intervention chirurgicale sur ses reins en Égypte. Je me souviens que c’était le premier enfant dont le lit portait la mention "Infecté par le virus du sida". Il avait été admis à la fin du mois de juin […]. »
N'empêche, des centaines d'enfants contaminés à Benghazi en quelques semaines. Décidément, cet hôpital était complètement pourri ! La Commission d'enquête n'en aura donc pas douté un seul instant, et c'est pourquoi son rapporteur y revient comme sur la seule et unique pièce à conviction, elle-même étayée de façon totalement irréfutable :
"Les divers témoignages médicaux ou des personnels soignants recueillis par la commission d’enquête montrent de graves carences sanitaires à l’hôpital de Benghazi."
Quels témoignages médicaux (celui de ce saint homme de professeur Montagnier ?) et quels témoignages de quel personnel soignant trié sur le volet ?... Axel, tu nous soumets à la torture ! T'es pas sympa.
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi :
Série A - numéro 12
En route vers le mensonge dÉtat
Alex Poniatowski en était donc à vouloir développer devant nous les témoignages médicaux et ceux des personnels de l'hôpital de Benghazi permettant de mesurer les "graves carences sanitaires" dont souffrait cet établissement, carences qui, rappelons-le, sont la seule cause que le rapporteur et la Commission d'enquête souhaitent retenir pour expliquer l'épidémie de sida qui a touché quelques centaines d'enfants en quelques semaines.
Du côté des personnels, nous n'aurons que l'avis... des infirmières mises en cause par les autorités libyennes. Ce qui ne nous laisse qu'une seule possibilité : faire la critique interne de leurs propos pour décider de la crédibilité de ceux-ci, en l'absence de toute autre information..
Le premier témoignage repris par le rapporteur concerne une période précédent de quinze ans le drame de l'épidémie de sida :
"Évoquant son premier séjour en Libye en 1984 à Tarhuna au Nord-Ouest du pays, Mme Valya Chervenyashka, l’une des infirmières, a décrit un hôpital bénéficiant de bonnes conditions sanitaires, avec des draps propres et des médicaments."
Nous sommes, là, deux ans avant le bombardement américain de1986 - dont Françoise Petitdemange nous a précédemment tenus informés -, et bien avant la mise en œuvre de l'embargo décidé par l'ONU. Mais le rapporteur ne va pas se laisser démonter par l'argument que pourrait fournir cette circonstance pour expliquer les dégradations des années suivantes. Très vite, il déclare :
"Il faut pourtant rappeler que l’embargo international décidé à l’encontre de la Libye ne portait pas sur le matériel médical et que le pays avait grâce à ses revenus pétroliers les moyens d’acheter notamment des seringues à usage unique."
On pourrait lui rétorquer que c'était également la bonne époque pour faire entrer en Libye les poches de sang contaminé soigneusement confectionnées par le laboratoire français Mérieux...
Revenons à la suite du témoignage de notre infirmière :
"Elle a en revanche expliqué avoir été effrayée par le manque d’hygiène, l’absence de médicaments lorsqu’elle est retournée en Libye, à Benghazi, douze années plus tard [cela nous mène en 1996, alors que l'embargo a débuté en 1992]. Les Libyens eux-mêmes n’ont plus confiance dans leur système de santé. Le professeur Pierre-Marie Girard, coordinateur pour la France du plan d’action pour Benghazi, a évoqué, au cours de son audition, « l’appétence des patients et des familles pour les transferts [à l’étranger], tant leur mépris à l’égard du système de santé est grand »."
Ici, un médecin pointe le bout du nez. De quel système de santé veut-il nous parler ? Est-ce du système de santé en général ? Du libyen seul ? S'il ne s'agit que de la Libye, cette méfiance exagérée pouvait-elle s'être établie avant 1998, c'est-à-dire avant que n'éclate l'épidémie de sida de Benghazi ? Ce médecin n'aura-il rien dit à propos de l'idée que l'on pouvait se faire, en Libye et ailleurs, des manœuvres françaises autour du sang contaminé qui défrayait la chronique mondiale dans ces années-là ?...
Sans perdre un seul mot, passons à la suite du Rapport. Et le voilà qui s'autodétruit :
"Interrogés sur l’hôpital pédiatrique El-Fateh de Benghazi, les témoins auditionnés par la commission d’enquête ont décrit un établissement délabré et assez sale, sans être cependant un hôpital pauvre comme il en existe en Afrique subsaharienne. Tous ont souligné que le personnel hospitalier, libyen ou étranger, était correctement formé. De fait, tous les enfants hospitalisés pendant cette période n’ont, fort heureusement, pas été contaminés par le VIH : sur dix mille patients, c’est une proportion de 4 % qui a été infectée. Durant cette période, deux infirmières bulgares sur cinquante ont été infectées soit également une proportion de 4 %."
Alors, où est l'erreur ? Où, les seringues réutilisées à n'en plus finir, si le personnel était "correctement formé" ? Où la crasse et le délabrement qui auraient pu suffire à produire à cette contagion plus ou plus fulgurante? Et cependant, il y a eu des centaines de victimes...
Eh bien, non, la Libye a tort !... Puisque c'est maintenant le corps médical lui-même qui nous le dit à travers Axel Poniatowski dont nous pouvons être sûrs qu'il n'a aucune raison de rapporter des propos qui n'auraient pas été tenus par notre sommité mondiale et son collègue :
"Dans ces conditions, comme les professeurs Montagnier et Girard l’ont expliqué à la commission d’enquête, il paraissait très probable que les transmissions nosocomiales du VIH aient été la conséquence de la pénurie de matériels de santé qui frappait l’établissement – d’ailleurs soulignée par les infirmières bulgares – se traduisant par l’utilisation d’aiguilles souillées et la réutilisation de matériel à usage unique."
Et pourtant, nous venons tout juste de lire cette phrase :
"Tous ont souligné que le personnel hospitalier, libyen ou étranger, était correctement formé."
Formé, et qui pourtant... Qu'est-ce à dire ?... Nous tremblons de devoir renoncer à voir, dans ce cher personnel bulgaro-palestinien, de grands martyrs victimes du dictateur Muammar Gaddhafi.
Montagnier, un effort !... Nous t'implorons... à genoux. Il doit bien y avoir une astuce !... Hein ?...
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi :
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