Michel J. Cuny - Site général

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D'abord Edmund S. Phelps (§ 1 à 37), puis Thomas Piketty (§ 38 à 89)...

En ce qui concerne Edmund S. Phelps (prix Nobel d'économie 2006), l'ensemble des textes qui lui sont consacrés ici forment le début de la sixième partie de l'ouvrage...

1 - 1ère de Couv

 

 

Cet ouvrage de 478 pages  (cousu, 29 euros port compris)

est organisé de la façon suivante :


 

 Première partie : En marche vers le travail souverain? (1943-1947)

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Deuxième partie : Entre U.S.A. et U.R.S.S. (1917-1945)

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Troisième partie : Le lasso du plan Marshall

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Quatrième partie : Staline accusé sans preuves (Hannah Arendt)

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Cinquième partie : Une autre hiérarchie raciale (Hannah Arendt)

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Sixième partie : Les à-peu-près d'un prix Nobel d'économie

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Septième partie : Petite histoire de la propriété

 

 

Commande et paiement ici

Michel J. Cuny lit et commente Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie 2006

1. Une analyse économique claire et lisible

     Prix Nobel d'économie en 2006, Edmund S. Phelps a réédité en 2007, sous le titre "Economie politique", la traduction intégrale en français d'un ouvrage initialement publié aux Etats-Unis en 1990. 
    Dès les premiers mots de la Préface, l'auteur nous signale que "ce livre est une introduction à l'analyse économique, destinée aussi bien aux étudiants qu'au grand public".
    Tout aussi directement, le premier chapitre de l'Introduction est intitulé : "Les règles du jeu."   
     Voilà donc que nous sommes convié(e)s au sublime jeu de l'économie... capitaliste.
              
     Rien qu'un jeu. Nous n'osons tout d'abord le croire...

     Mais nous ne demandons qu'à nous mettre, nous aussi, à l'école de l'éminent prix Nobel que voici.

2. Quand l'économie devient un jeu

    Pénétrons donc, avec Edmund S. Phelps, dans ce jeu qu'est, selon lui, l'économie... Déjà les tout premiers mots de son "Introduction" nous arrêtent : "Ce qui cimente une société, ce sont les avantages réciproques que trouvent ses membres à procéder entre eux à des échanges, à collaborer ensemble à la production et à échanger des produits. L'économie d'une société est le terrain de rencontre en vue de tels échanges."

  "Echanges"... "Avantages réciproques"... "Collaboration"... "Terrain de rencontre"... Voici tout un vocabulaire plus que significatif... De quelle réalité nous entretient-il?

     De l'économie où règnent les échanges marchands... De la très pacifique et fraternelle économie de marché... où peut venir jouer qui le souhaite, sans aucune condition que de se plier aux règles de ces charmants petits échanges (entre égaux?)... où les choix paraissent très ouverts puisque, ainsi que le rapporte notre Prix Nobel : "Pour que l'échange se développe, il faut que lorsque les gens choisissent le rôle qu'ils devront jouer dans l'économie, ils soient guidés par des lois et par des incitations. Il faut qu'il y ait des 'règles du jeu', afin que les gens sachent quand jouer leurs cartes."

     Les "gens", les "gens"... "People" sans doute, dans l'original... Autrement dit : le tout-venant.

     Le tout-venant va se "choisir un rôle qu'il devra jouer". C'est déjà un peu plus sérieux...

     Car les "règles du jeu" sont là pour que "les gens sachent quand jouer leurs cartes"...

     Il est alors soudainement très clair qu'avant même d'entrer dans le jeu de l'échange, ces braves "gens" étaient détenteurs de "cartes"... Et par exemple, plutôt de celles-ci... que de celles-là... Ce qui veut tout simplement dire qu'avant de jouer eux-mêmes, ils ont été... joués. Mais, cela, il ne faudra pas s'attendre à ce qu' Edmund S. Phelps nous en fasse la confidence...

3. Un secret de Polichinelle

     Par quoi "les gens" occupés, selon E. S. Phelps, à "jouer leurs cartes" sont-ils joués? Par un objectif sous-jacent au système des "règles du jeu" qui ordonnent le mode capitaliste de production, objectif que le prix Nobel 2006 énonce sans crier gare : "Pour que les efforts soient encouragés et coordonnés - pour aboutir, en fait, à une division du travail à l'échelle de l'économie -, il faut qu'il y existe des droits et des interdits reconnus, des récompenses et des sanctions escomptées, des conventions et des normes auxquelles on puisse se fier."
   
La "division du travail" se présente d'abord sous sa façade technique : division des tâches, spécialisation des travailleurs, et hausse consécutive de la productivité. Devons-nous nous en tenir là?
    Désireux de nous fournir une illustration que, sans doute, il juge adéquate, notre auteur fait immédiatement suivre la phrase précédente de celle-ci : "Le livreur compte sur son employeur pour lui verser le salaire convenu, sur l'Etat pour fixer le montant des impôts votés, et sur ses voisins pour ne pas lui voler ce qui lui reste ; en retour, son employeur s'attend à ce qu'il livre la marchandise."
    Et voilà que nous saute aux yeux - et sans que cela paraisse troubler le moins du monde jusqu'à un spécialiste de la dimension de E.S. Phelps - que loin de mettre en scène une "division du travail", son exemple nous place d'emblée dans une tout autre séparation, bien plus fondamentale celle-ci : la dichotomie travail/capital...
    C'est bien ce qui fait le fond de l'économie capitaliste.
    Mais c'est aussi de quoi il ne faudrait surtout pas parler.
    Or, après à peine une demi-page d'écriture, la frontière de classe est tracée sans crier gare, et avec elle le système de coercition - l'Etat - qui en garantit le respect. Mais c'est un peu comme le nez au milieu de la figure : trop visible pour être vu du premier coup d'oeil...

4. Une filouterie ordinaire

     Que signifie la dichotomie travail/capital? Que le travailleur est coupé du capital, c'est-à-dire des moyens de production. Que pour mériter un accès aux moyens de subsistance qui lui sont nécessaires pour assurer sa survie et celle de sa progéniture, il doit accepter de mettre sa force de travail au service des détenteurs de capitaux qui, eux, vivent d'une part de la richesse produite par le collectif de travail qu'ils auront ainsi pu se soumettre.
    C'est cette frontière de classe, qui donne la structure de fond de la société capitaliste, qu'Edmund S. Phelps refuse de prendre en compte, de sorte qu'il peut ensuite retenir une fort trompeuse définition de l'économie de marché à la connaissance de laquelle il prétend initier le grand public ainsi que les étudiants : "L'économie d'une société fonctionne donc en offrant aux participants un éventail de perspectives qui, étant donné les aspirations et les capacités de ceux-ci, déterminent qui fait quoi. En affectant les tâches selon les choix individuels, l'économie détermine donc l'efficacité avec laquelle la société produit et fournit les biens que les gens désirent. Et en fixant la rémunération à laquelle chaque tâche donne droit, elle détermine la répartition des bénéfices entre les participants, étant donné les capacités de chacun et les autres ressources."
    Ainsi, avisant la discipline universitaire qui est la sienne, peut-il en faire une présentation particulièrement consensuelle et donc lénifiante : "L'économie politique est l'étude des structures alternatives de rémunérations entre lesquelles la société peut - et donc doit - choisir : comment les mécanismes d'un système donné, existant ou potentiel, - les droits légaux, certains marchés, les impôts et les subventions, les obligations et les devoirs, etc. - agissent-ils sur la nature des perspectives individuelles ? Et dans quelle mesure fonctionnent-ils bien ou mal ?"
    En conséquence de quoi, nous ne sommes pas étonnés de retrouver sous sa plume la ritournelle du vocabulaire journalistique le plus banal, et de la bonne volonté la plus imbécile : " Les inégalités, le chômage, l'inflation, la pollution..."
    Oubliée (volontairement?), la dichotomie travail/capital ne sera décidément pas à l'ordre du jour des modifications envisageables par l'illustre prix Nobel. Effectivement, l'économie politique fait carrière sur cet "oubli" depuis les lendemains de la publication d'un certain "Capital" (1867)...

5. Je t'y perds et je t'embrouille

     Extraites des deux premières pages de l'"Introduction", les citations précédemment rassemblées font apparaître des termes qui appartiennent à la vulgate de ce que l'on pourrait appeler la "liberté d'entreprendre" en tant qu'elle n'est d'abord qu'une mise en scène à l'usage des benêts : "offrant aux participants un éventail de perspectives", "les aspirations et les capacités", "les choix individuels", "les biens que les gens désirent", "la nature des perspectives individuelles".  

    Mais on doit aussitôt convenir de ceci qu'en tant qu'il s'agit des maîtres-mots de l'idéologie dominante, il faudrait atteindre à un certain héroïsme pour réussir, face à eux, à s'arracher à la quasi commune condition de... benêts.

    D'ailleurs revoici le rouleau compresseur tel que le prix Nobel 2006 le pilote : "Les biens, pour mériter ce nom, doivent satisfaire les aspirations d'une ou plusieurs personnes - aspirations à la sécurité, au confort, à la découverte, à l'expression, à l'épanouissement, etc. Les biens sont les instruments de satisfaction des aspirations humaines."

    Aspirons, aspirons : il en restera toujours quelque chose...

    Et sans sauter un seul mot, lisons ce qui suit, là, immédiatement : "Un lopin de terre n'est donc pas un bien; c'est une ressource permettant de produire des biens."

    Si nous avons maintenant la curiosité de nous déplacer jusqu'à la dernière page de l'"Introduction", nous découvrons que le terme "biens" figure parmi les "concepts introduits" par E.S. Phelps... C'est donc tout à fait sérieux.

    Car, comment pourrait-il avoir le front de nous traiter lui aussi, lui surtout, comme des benêts?...

    Bons élèves, nous sommes donc tout à fait disposés à renvoyer à son ignorance crasse le cultivateur qui a la faiblesse, lui, de voir dans le moindre de ses lopins de terre un bien parmi d'autres qu'il ne peut que rassembler dans "mon" bien... Voilà ce que c'est que de ne pas fréquenter l'université Columbia de New York!

    C'est donc comme un rare privilège qu'il nous faut recevoir cet étonnant charabia logique qui vient ponctuer la transition qui va des "ressources" aux "biens", à travers la production : "Par nature, les biens doivent aussi pouvoir être obtenus à partir des ressources existantes [O.K.]. Ou un bien est produit aujourd'hui avec des ressources existantes, ou il est lui-même une ressource, telle la lumière du soleil ou des aliments stockés depuis le moment de leur production."

    Façon jeu de bonneteau, c'est très fort... Qu'y a-t-il sous le chapeau : bien ou ressource, si un bien peut, à loisir, se transformer en ressource?

    Et voilà qu'à son tour, cette chère "lumière du soleil", qui comme tout bien qui se respecte (selon E.S. Phelps) peut très bien satisfaire "les aspirations à la sécurité, au confort, à la découverte, à l'expression, à l'épanouissement, etc.", n'est plus un bien mais une ressource.

    Sous l'effet d'un tel alcool de jus de chaussette, il ne sera pas étonnant de nous voir tituber quelque peu. C'est alors que le maître de l'université Columbia sort son très joli violon (pendant que le capital se tord de rire) : "Parmi les biens, tous ne satisfont pas notre intérêt personnel, au sens étroit du terme. Faire un cadeau est un bien si cela satisfait le désir qu'éprouve celui qui donne d'exprimer son affection. Se porter volontaire pour un travail non rémunéré est un bien si cela satisfait le désir qu'a le volontaire d'exprimer son sens de la communauté."

    Communiste, ce brave professeur ?...

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